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Avocate spécialisée en droit du travail à Lyon 

Gaëlle DUC-ECHAMPARD

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Petite revue des moyens de preuve en droit du travail 

 

Quels sont les moyens de preuve que peuvent utiliser les parties dans un procès prud’homal ?

 

Il convient de rappeler que la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties, le juge prud’homal devant trancher le litige avec les éléments qui lui seront apportés par l&rsq... (lire la suite)

 
 

Evénement

CCI de Lyon

Pour la présentation de ses voeux 2010, la chambre de commerce et d'industrie de Lyon organise une réception sous forme de cocktail le 11 janvier 2010 à partir de 18h.

J'y serai !!!



 

Article Vox, le 9 novembre 2009


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Petite revue des moyens de preuve en droit du travail 

 

Quels sont les moyens de preuve que peuvent utiliser les parties dans un procès prud’homal ?

 

Il convient de rappeler que la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties, le juge prud’homal devant trancher le litige avec les éléments qui lui seront apportés par l’employeur et par le salarié.

 

Il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués : le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

 

Il apparaît donc que le juge prud’homal se pose comme « arbitre » des preuves qui lui seront amenées par chacune des parties.

 

Toutefois, dans la mesure où les parties ne sont pas considérées comme étant sur un pied d’égalité quant aux moyens pour administrer la preuve, le Code du Travail précise que "si un doute subsiste, il profite au salarié".

 

En l’absence de tout élément produit par chacune des parties, le juge prud’homal donnera donc raison au salarié.

 

 

1*/ Les témoignages :

 

Les attestations sont souvent utilisées par les parties pour démontrer la réalité de leurs prétentions.

 

Le fait que des témoignages produits par l’employeur émanent de salariés de l’entreprise ne constitue pas à priori un motif suffisant pour les écarter des débats, malgré le lien de subordination qui existe entre l’employeur et le salarié qui atteste.

 

Les juges disposent d’un fort pouvoir d’appréciation sur la portée qu’il convient de donner à telle ou telle attestation.

 

Les juges du fond apprécient souverainement si une attestation présente ou non des garanties suffisantes pour emporter leur conviction (Cassation Sociale 3 octobre 2001).

 

Ils peuvent donc accepter une attestation même si elle n’est pas conforme aux prescriptions de forme de l’article 202 du Code de Procédure Civile.

 

De même, les attestations établies par des personnes placées en état de dépendance économique ne sont pas pour autant écartées (Cour d’Appel d’Aix en Provence 20 février 1986).

 

 

En revanche, les juges du fond peuvent valablement décider d’écarter une attestation dont la véracité est remise en cause par d’autres éléments du dossier (Cour d’Appel de Nancy 20 février 2001).

 

Par ailleurs, lorsque les attestations sont établies en faveur de salariés, ces témoignages ne peuvent, sauf abus, jamais constituer une faute ou même une cause de licenciement (Cassation Sociale 23 novembre 1994, Cassation Sociale 6 juin 2007).

 

 

2*/ La surveillance par l’employeur :

 

  • La simple surveillance d’un salarié sur les lieux de travail par son supérieur hiérarchique, même si le salarié n’a pas été averti de cette surveillance, ne constitue pas en soi un mode de preuve illicite (Cassation Sociale 3 mai 2007) : en effet, l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité du salarié pendant son temps de travail.

 

Par ailleurs, l’employeur peut utilement s’appuyer sur une enquête interne menée dans le cadre de la prévention des risques, de l’amélioration de la sécurité et de la formation des chauffeurs, pour justifier le licenciement d’un salarié dont des manquements ont été révélés au cours de cette enquête interne (dont ce n’était pas l’objet).

 

  • La Cour de Cassation a toutefois précisé récemment que la surveillance du salarié doit être mise en place dans un cadre loyal, en dehors de tout dispositif clandestin : l’employeur ne peut dès lors demander à des salariés de l’entreprise d’aller prendre leur repas dans l’établissement qu’exploitait l’épouse de l’agent concerné, en leur fournissant des photographies de l’intéressé, afin d’établir un rapport dont il résultait que le salarié assurait le service du restaurant pendant une partie de son temps de travail.

 

La Cour de Cassation a considéré que ce moyen de preuve n’était pas recevable, la surveillance du salarié étant organisée dans le cadre d’un dispositif clandestin mis en œuvre de manière déloyale (Cassation Sociale 18 mars 2008).

 

  • La Cour de Cassation et toutes les juridictions du fond refusent d’accepter de manière unanime les comptes rendus de filatures organisées par l’employeur pour surveiller et contrôler l’activité du salarié.

 

Les juridictions considèrent en effet qu’il s’agit là d’une atteinte à la vie privée du salarié insusceptible d’être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l’employeur (Cassation Sociale 26 novembre 2002).

 

Cette interdiction vaut que le salarié ait été averti ou non d’un tel contrôle.

 

Il apparaît que même les observations d’un détective privé engagé pour surveiller les horaires de travail d’un salarié doivent être purement et simplement écartées des débats dans la mesure où ce procédé n’a pas été porté à la connaissance du salarié (Cour d’Appel de Besançon 9 juin 1996).

 

 

Les juridictions du fond considèrent que les rapports de détectives privés, qu’ils soient établis en dehors du temps de travail, même pendant le temps de travail sur le lieu de travail, constituent nécessairement un moyen de preuve illicite (Cour d’Appel de Nancy 16 janvier 2002, Cour d’Appel de Douai 30 juin 1996, Cour d’Appel de Montpellier 6 novembre 2001 et Cour de Cassation 25 novembre 2005).

 

  • De même, le recours à des alcotests est très strictement encadré.

 

Ainsi, une clause du règlement intérieur prévoyant le recours à un alcotest en toute circonstance est illégale (Circulaire DRT du 15 mars 1983).

 

En revanche, le règlement intérieur peut prévoir que l’état d’ébriété du salarié sur son lieu de travail peut être établi par un contrôle de son alcoolémie, dès lors que le contrôle mis en place en permet la contestation, et dans la mesure où la nature du travail confié au salarié est susceptible d’exposer des personnes ou des biens à un danger (Cassation Sociale 22 mai 2002).

 

  • Concernant la fouille des salariés, le Conseil d’État considère que, eu égard aux restrictions qu’elle apporte aux droits des personnes et aux libertés individuelles, la vérification par la Direction de l’entreprise n’est possible que si :

 

-          elle n’est opérée qu’en cas de nécessité absolue (notamment à la suite de disparition de matériel du fait de risques particuliers de vol),

 

-          le salarié a été averti de son droit de s’opposer à un tel contrôle,

 

-          la présence d’un témoin a été prévue,

 

-          le contrôle est effectué dans des conditions préservant la dignité et l’intimité de la personne.

 

(Conseil d’État 11 juillet 1990 et 26 novembre 1990).

 

  • Récemment, la Cour de Cassation est venue préciser que l’ouverture de vestiaires est possible lorsque le salarié avait été averti personnellement, trois semaines à l’avance par affichage sur son propre casier, de la date d’ouverture de tout vestiaire non identifié, étant précisé que l’ouverture s’était limitée aux seuls casiers non identifiés, dans le délai prévu et qu’elle avait eu lieu en présence d’un représentant du personnel et d’un agent de sécurité, dans les conditions prévues par la procédure mise en place avec l’accord des partenaires sociaux.

 

Dans un tel cas, le licenciement fondé sur le fait que le salarié détenait dans son vestiaire des objets non autorisés par le règlement intérieur était justifié (Cassation Sociale 15 Avril 2008).

 

 

 

3*/ Les constats d’Huissier :

 

La preuve de l’insuffisance professionnelle d’un salarié peut être apportée par un constat dressé par un Huissier de justice.

 

Ainsi, est valable le constat dressé par un Huissier qui a effectué des constatations purement matérielles dans un lieu ouvert au public (Cassation Sociale 19 juin 2005).

 

En revanche, la Cour de Cassation considère que le constat d’huissier doit répondre à l’exigence posée pour l’ensemble des moyens de preuve : il doit être obtenu de manière loyal.

 

Ainsi, ne peut justifier le licenciement pour faute grave d’un salarié le constat d’huissier qui a été obtenu alors que celui-ci s’est prévalu d’une fausse qualité pour obtenir des renseignements (Cassation Sociale 5 juillet 1995).

 

Cette position a été réaffirmé il y a peu puisque la Cour de Cassation a refusé de retenir un constat d’Huissier qui avait organisé un montage en faisant effectuer dans différentes boutiques et par des tiers qu’il y avait dépêchés des achats en espèces, puis en procédant après la fermeture du magasin et hors de la présence de la salariée à un contrôle des caisses et du registre des ventes.

 

Dans un tel cas, la Cour de Cassation a jugé qu’il ressortait que l’Huissier ne s’était pas borné à faire des constatations matérielles, mais avait eu recours à un stratagème pour confondre la salariée, excluant ce moyen de preuve pour justifier le licenciement entrepris (Cassation Sociale 18 mars 2008).

 

N’est pas non plus retenu le constat établi par un Huissier qui a outrepassé ses pouvoirs en procédant à une enquête auprès d’autres salariés et en procédant par voie de déduction, ce qui ne constitue dès lors pas un moyen de preuve valable (Cassation Sociale 22 mars 2006).

 

 

4*/ Les contrôles téléphoniques :

 

L’employeur est parfaitement fondé à utiliser, comme moyen de preuve, les relevés de facturation téléphonique établis par le prestataire téléphonique pour justifier le licenciement : ces factures peuvent être utilisées pour démontrer l’utilisation anormale du téléphone portable professionnel à des fins personnelles.

 

Concernant l’écoute des conversations téléphoniques, la position de la jurisprudence est plus restrictive : les moyens de contrôle des salariés doivent en effet ne pas apporter de restriction disproportionnées aux droits et libertés des salariés.

 

Dans la mesure où l’employeur est en droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il peut légitimement écouter leur conversation téléphonique dès lors que les salariés ont été dûment avertis de ce que leurs conversations téléphoniques seraient écoutées (Cour de Cassation 14 mars 2000).

 

 

Dans un tel cas, il convient de rappeler que l’employeur doit, préalablement à la mise en place du système de contrôle :

 

-          avoir informé le Comité d’Entreprise de la mise en place d’un dispositif de contrôle des conversations,

 

-          informer les salariés du procédé destiné à contrôler leur activité.

 

Dès lors, sont systématiquement écartés comme moyen de preuve les enregistrements d’une conversation téléphonique lorsque le salarié n’en a pas été informé, ou lorsque l’enregistrement a été utilisé à des fins déloyales (Cour d’Appel de Paris 2 novembre 1995, Cour d’Appel de Douai 29 septembre 1995).

 

Une particularité existe en ce qui concerne les SMS. La Cour de Cassation considère en effet que ces SMS peuvent constituer un moyen de preuve licite, quand bien même le salarié n’a pas été informé par l’employeur de ce qu’ils pouvaient être retranscrits : cette exception tient sans doute au fait que la Haute Juridiction considère que le salarié sait que les messages qu’il envoie par ce biais peuvent être conservés par le destinataire.

 

Dans un tel cas, l’employeur peut donc légitimement faire constater par voie d’Huissier les SMS adressés par le salarié et les utiliser comme moyen de preuve (Cassation Sociale 23 mai 2007).

 

 

5*/ Les enregistrements vidéo :

 

Là encore, préside à ce moyen de preuve l’obligation pour l’employeur de le mettre en place loyalement et l’obligation pour l’employeur de justifier que ce moyen particulièrement important n’est pas disproportionné par rapport au but recherché et à l’atteinte aux droits du salarié.

 

L’employeur doit en effet informer le Comité d’Entreprise et les salariés de la mise en place d’enregistrement de vidéo surveillance.

 

La CNIL préconise que la vidéo surveillance ne soit pas mise en place uniquement dans le but de surveiller les salariés : elle doit avoir pour but soit d’assurer la sécurité des salariés, soit de prévenir la Société contre des vols.

 

En outre, les juridictions du fond sont très frileuses pour retenir ce genre de moyen de preuve dans la mesure où le plus souvent les Cours d’Appel considèrent que les enregistrement vidéo n’apportent pas des garanties suffisantes pour justifier le licenciement d’un salarié : les Cours d’Appel considèrent ainsi souvent que compte tenu des possibilités de montage et de trucage, les films produits ne peuvent pas constituer des moyens de preuve suffisants (Cour d’Appel d’Aix 4 janvier 1994).

 

De même, n’est pas retenu comme moyen de preuve des photos émanant du système de télésurveillance, qui établissent la présence d’un objet puis sa disparition, dans la mesure où il n’existe pas de photos établissant à proprement parler le vol de l’objet par le salarié (Cour d’Appel de Montpellier 6 novembre 2001).

 

 

6*/ Les moyens informatiques :

 

Le contrôle par l’employeur des documents figurant dans l’ordinateur mis à la disposition du salarié pour travailler se heurte au principe de la correspondance privée selon laquelle seuls l’expéditeur et le destinataire peuvent prendre connaissance desdits documents.

 

Après quelques errements, la jurisprudence considère désormais que sont considérés comme a priori des documents professionnels, tous les documents figurant dans l’ordinateur utilisé par le salarié, à l’exception des documents portant expressément la mention « personnel » ou permettant de les identifier comme tels.

 

La Cour de Cassation vient d’ailleurs de confirmer sa position en autorisant l’employeur, en présence d’un Huissier de Justice, à ouvrir, en l’absence du salarié, des dossiers figurant sous un répertoire dénommé « JM » (le salarié se prénommant Jean Michel) : dans ce répertoire, figuraient un dossier dénommé « personnel » que n’a pas pu utiliser l’employeur et un dossier dénommé « Marteau » que l’employeur a pu ouvrir.

 

Dans ce dossier, figuraient des éléments de preuve démontrant que le salarié avait participé à une activité concurrente de celle de son employeur pendant l’exécution de son contrat de travail.

 

Le salarié, pour sa défense, affirmait que ces documents ne pouvaient pas être utilisés dans la mesure où l’employeur ne pouvait ignorer leur caractère personnel puisqu’ils figuraient dans un dossier intitulé avec ses initiales.

 

La Cour de Cassation n’a pas suivi le salarié et a estimé que l’employeur pouvait faire état de tous les documents ne figurant pas dans des dossiers où était indiquée la mention « personnel » (Cassation Sociale 30 Octobre 2009).

 

 

Il convient de préciser qu’est considéré comme une faute grave le fait pour un salarié d’utiliser la messagerie électronique que l’employeur met à sa disposition pour émettre dans des conditions qui permettent d’identifier l’employeur un courriel contenant des propos antisémites (Cassation Sociale 2 juin 2004).

 

De même, s’il ne peut être reproché à un salarié d’avoir des dossiers personnels dans son ordinateur professionnel, dès lors qu’il n’est pas établi qu’il a travaillé sur ces dossiers pendant son temps de travail (Cour d’Appel de Versailles 8 juin 2006), tel n’est pas le cas lorsque le salarié se connecte de manière abusive sur Internet en dehors des limites du raisonnable (Cour d’Appel de Bourges 25 mai 2001).

 

 

De même, constitue un motif de licenciement le fait pour un salarié d’avoir utilisé le matériel de l’entreprise pour concevoir pendant son temps de travail des sites Internet personnels (Cour d’Appel de Besançon 9 septembre 2003).

 

 

Enfin, l’utilisation de l’ordinateur professionnel et de la connexion Internet mise à disposition par l’employeur peut constituer l’infraction pénale d’abus de confiance si le salarié se connecte sur des sites érotiques ou pornographiques (Cassation Criminelle 14 mai 2004).

 

Dans un tel cas, les juridictions du fond considèrent que ces faits justifient le licenciement du salarié (Cour d’Appel de Besançon 21 septembre 2004, Cour d’Appel de Paris 24 janvier 2007).

 

 

7*/ Les nouvelles technologies :

 

Si la technologie peut être utilisée valablement par l’employeur, la CNIL veille à ce qu’une proportionnalité soit gardée ente les moyens de contrôle mis en place par l’employeur et le but recherché.

 

La CNIL considère en effet que seul un impératif de sécurité incontestable peut justifier le recours à des dispositifs de contrôles biométriques sur les lieux de travail.

 

Cette position a été reprise par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 19 avril 2005, qui a considéré que le système de badges mis en place, utilisant la technologie des empreintes digitales, ne saurait se justifier que si elle a une finalité sécuritaire ou protectrice de l’activité exercée dans les locaux : le recours à ce système à seule fin de contrôler le temps de travail ne paraît ni adapté ni proportionné au but recherché et doit dès lors être interdit.

 

 

 

Il apparaît donc que l’employeur dispose d’une palette relativement large pour recueillir les moyens de preuve destinés à justifier la décision qu’il a prise.

 

Toutefois, ces moyens de preuve sont régis par les principes les plus élémentaires qui sont l’information du salarié, le respect du principe de loyauté et le respect du principe de proportionnalité entre l’intérêt de l’entreprise et les droits et libertés des salariés.

 


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